GLISSEMENTS DE TERRAIN

GLISSEMENTS DE TERRAIN
GLISSEMENTS DE TERRAIN

Pour expliquer la genèse des formes du relief, la géomorphologie classique fait appel à des processus d’érosion et d’altération intéressant uniquement la surface. Il peut arriver que le relief ainsi produit entraîne en profondeur, sous le seul effet du poids des terrains, des contraintes mécaniques dépassant la résistance des roches. Les ruptures qui se produisent alors, et qui sont suivies de mouvements en masse, constituent donc une phase normale de l’évolution du relief; elles jouent un rôle notable dans certaines régions montagneuses et représentent, pour les aménagements et les habitants, un risque qu’il est nécessaire d’essayer de localiser et de prévoir.

On peut classer les glissements ou, plus généralement, les mouvements de terrain, selon le mode de rupture. Les glissements proprement dits correspondent à une déformation plastique passant à un cisaillement, dans une masse qui se comporte comme relativement homogène. Ce sont des mouvements plutôt lents, qui peuvent durer des jours ou des années.

Les éboulements résultent d’une rupture fragile, c’est-à-dire du développement de fissures dans une roche dure, où la présence de diaclases préexistantes joue un rôle essentiel. Ils sont en général très rapides.

Il faut ranger dans une classe à part les glissements en grande masse sur un joint de stratification, dans lesquels la masse en mouvement peut atteindre une grande vitesse, l’échauffement le long de la surface de glissement vaporisant l’eau du terrain, ce qui lubrifie le mouvement; ils sont heureusement assez rares.

Glissements proprement dits

Caractères

Dans une masse homogène, telle celle d’une argile, on peut schématiser un glissement en l’assimilant au pivotement du volume limité par un cylindre d’axe horizontal (fig. 1). En amont, le sol s’abaisse et dégage le bord d’une surface de glissement, fortement inclinée (600 à 900). En aval, la composante horizontale du mouvement est notable, mais le sol subit aussi, en général, un soulèvement.

Ce schéma sert de base au calcul de la stabilité, surtout appliqué aux remblais artificiels: on cherche par tâtonnement la position du cercle la plus dangereuse (méthode de Fellenius). Cette méthode s’applique mal au terrain naturel: en effet, en négligeant la cohésion, on trouve que de nombreux mouvements pourraient se poursuivre, s’ils étaient amorcés, dans des zones qui, en fait, sont stables. On peut cependant retenir de ce schéma qu’une manière de s’opposer à un glissement est de charger la base qui aurait tendance à se soulever.

En pratique, la surface de glissement n’est pas exactement cylindrique. On a pu soutenir que sa section aurait la forme d’une cycloïde. On dit souvent qu’elle est «en cuiller» (fig. 2).

Ce mécanisme joue à toutes les échelles. Dans les sols sans cohésion, on observe des «loupes de glissement» de quelques mètres (fig. 3). Dans les argiles de l’Oxfordien ou dans des moraines, par exemple, on le voit se réaliser à l’échelle de 50 à 100 m. Dans des schistes cristallins (par exemple, vallée de l’Arly, en amont d’Ugine), c’est exactement le même mécanisme qui joue, à l’échelle de 500 mètres et même, pour un mouvement ancien, de 1 500 mètres. Il importe aussi de noter que des glissements peuvent être géométriquement semblables dans des roches différentes si les résistances mécaniques de ces roches sont dans le rapport des dimensions géométriques, puisqu’il en est évidemment de même des pressions dues au poids. Les petits glissements sur des pentes argileuses doivent être considérés comme des modèles réduits, qui nous éclairent sur la possibilité que se produisent des glissements en masse beaucoup plus importants, pour des roches plus résistantes.

Si la résistance de la masse affectée n’est pas uniforme, la forme du glissement est modifiée; le cas le plus fréquent est celui d’une altération au voisinage de la surface, qui abaisse la résistance sur quelques mètres ou quelques dizaines de mètres. On observe parfois, dans un même terrain (marnes oxfordiennes, Glaciaire), côte à côte ou sur les deux versants d’un col, une zone en pente douce, boisée, où les eaux de pluies s’infiltrent et produisent une altération profonde, propice aux glissements, et une zone en pente raide, soumise à une érosion rapide, ne laissant pas le temps à l’altération de se produire, si bien qu’il n’y a aucun signe de mouvement en masse.

Dans la zone d’altération superficielle, il peut se produire une multitude de petits glissements élémentaires, plus ou moins coalescents, qui donnent à la surface une allure bosselée, ou onduleuse, caractéristique. Mais il peut également arriver que, sur une certaine étendue, le terrain glisse parallèlement à la surface (fig. 4). On trouve en général, en amont, une zone cisaillée et abaissée, comme dans le glissement élémentaire. Les bords latéraux du glissement peuvent être marqués par un cisaillement brutal. La surface est toujours plus ou moins disloquée, avec des crevasses béantes, délimitant des blocs qui basculent plus ou moins, et des ondulations, qui donnent souvent naissance à des mares. Finalement, le tapis végétal est détruit, et la masse en mouvement apparaît complètement chaotique.

Il peut aussi arriver que le glissement affecte une masse essentiellement argileuse, mais comportant des intercalations stratifiées plus rigides. Cela peut modifier assez notablement la forme du mouvement.

Origine

Pourquoi un glissement se déclenche-t-il un jour, atteignant souvent rapidement une vitesse relativement élevée qui se réduira par la suite, alors que, jusque-là, le terrain était stable? Il est des cas où l’on peut incriminer un changement dans la topographie, soit par suite de l’érosion rapide du pied d’une pente, soit à cause de fouilles inconsidérées. Plus rarement, la cause du glissement peut être trouvée dans une surcharge accidentelle. Mais, souvent, aucun changement topographique n’en est responsable.

La résistance mécanique de la roche peut avoir été réduite par un processus d’altération. En particulier, on admet parfois que certaines solutions salines sont susceptibles de défloculer des argiles, et donc de diminuer leur résistance; mais il s’agit évidemment d’un processus très progressif.

Parmi les forces qui doivent être prises en considération, certaines sont liées au régime des eaux souterraines: c’est d’une part, la diminution des contraintes effectives, qui résulte d’une augmentation de la pression de l’eau qui imprègne le terrain; d’autre part, la force d’entraînement qu’exerce sur le terrain l’eau qui circule, et que l’on peut assimiler à une force égale au gradient de potentiel. Ce sont ces forces qui risquent, à la suite de pluies, de présenter les variations les plus rapides, même dans des cas où elles ne sont pas très importantes par rapport aux autres forces en présence. Elles apparaissent donc comme déclenchant un mouvement qui peut résulter essentiellement d’une évolution progressive, restée inapparente, telle qu’une progression de l’altération superficielle.

Il faut cependant citer aussi le rôle des séismes, pouvant déclencher le glissement de masses qui étaient parvenues très près de leur limite de stabilité.

Mécanismes d’écoulement

Le glissement élémentaire type comporte, à sa base, un soulèvement, combiné avec un déplacement horizontal. Ce mouvement est évident lorsqu’on voit émerger, en aval d’un glissement, le fond d’une rivière ou de la mer; il apparaît très clairement, souvent d’une manière spectaculaire, dans beaucoup d’autres cas. Mais ce soulèvement subsiste rarement tel quel. Déconsolidé par les déformations qu’il a subies, il sera au minimum soumis à une érosion rapide, et souvent il atteint un profil tel qu’il s’éboule spontanément (ce qui, parfois, fait méconnaître le mouvement en masse). En 1965, en France, la route de l’Italie a été coupée à Pontamafrey (Maurienne) par suite d’un glissement en cuiller, très typique, qui affectait une trentaine d’hectares, dans une zone de pâturage élevée. Le bombement aval se situait assez haut sur le versant d’une vallée, et pendant des mois il s’est effrité, bloc par bloc, alimentant des cônes d’éboulis dont le volume total a dû approcher un million de mètres cubes.

Mais, fréquemment, le matériel du glissement se déverse, en aval, par-dessus le terrain naturel et constitue une coulée boueuse où un matériel totalement désorganisé avance lentement, sur une grande section. Une telle coulée peut éroder son substratum et ses rives, et en entraîner les matériaux dans son mouvement, mais elle peut aussi occuper une vallée creusée dans une roche dure, qui ne participe en rien au mouvement. Ce sont souvent ces coulées boueuses, capables de progresser sur une grande distance, qui font le plus de dégâts, parce qu’elles atteignent des zones stables sur lesquelles on n’avait pas hésité à construire.

L’écoulement en aval peut également prendre la forme de «laves», c’est-à-dire de boues fluides, coulant relativement vite, dans un lit de faible section, d’une manière intermittente, et qui peuvent aller fort loin. À Pontamafrey, ce sont de telles laves, s’écoulant sur sept kilomètres, qui ont coupé route et voie ferrée.

La coulée de boue engendrée par glissement (éventuellement, le glissement lui-même ou l’alluvionnement par une lave charriant de gros blocs, comme à Pontamafrey) peut atteindre et barrer un cours d’eau, produisant un lac qui risque, en débordant, d’éroder très vite le barrage et de produire une inondation catastrophique à l’aval.

Éboulements

La fissuration de roches dures peut libérer des blocs, qui tombent ou roulent sur la pente en atteignant de grandes vitesses. On parle d’éboulis si les blocs se détachent séparément, ce qui se produit si le rocher est initialement très fissuré. L’éboulement résulte du départ en une seule fois d’une masse plus ou moins volumineuse, qui, naturellement, peut se fragmenter au cours de son mouvement. Un éboulement est d’autant plus dangereux que la masse dont il est issu est moins fissurée; un des plus beaux exemples est celui du «claps» de Luc-en-Diois, où un banc de calcaire jurassique, très épais et massif, s’est détaché en 1442, sans doute à la suite d’une érosion progressive de son pied par la Drôme, et s’est fragmenté pour donner un empilement de blocs énormes.

Très souvent, un éboulement a été préparé par la fragmentation de la masse rocheuse, due au tassement d’un substratum argileux, lequel amorce un glissement, même de faible amplitude, ou à la dissolution d’une couche de gypse.

Glissements rapides en grande masse

On connaît quelques exemples de glissements qui se sont produits suivant un joint de stratification, même peu incliné: 10 à 120 à Flims dans les Grisons, en Suisse (préhistorique) et au Granier (Savoie, 1248); 170 au Rossberg, à Goldau (Suisse, 2 septembre 1806); variable au Vaïont (Italie, 1963). Dans ceux-ci, la masse en mouvement, épaisse de plusieurs centaines de mètres, a atteint une vitesse considérable (60 km/h au Vaïont); tout se passe comme si le frottement était brusquement devenu très faible, ce qui doit être dû à la formation d’un coussin de vapeur – par suite de l’échauffement dû au frottement – soulevant la masse en mouvement. Un tel mécanisme ne peut jouer que pour un très grand glissement; l’absence de similitude avec les processus de petits glissements est une des raisons pour lesquelles il a été longtemps méconnu. En général, la masse en mouvement est complètement désorganisée, ses différentes parties roulant sur elles-mêmes. Ce n’est que pour les plus grands glissements (Flims, Mayunmarca) que la masse, bien que complètement fracturée, peut parfois subir une translation qui respecte les positions mutuelles relatives des masses rocheuses.

Glissements sous-marins

Les falaises découpées par les vagues sont souvent trop escarpées pour la résistance mécanique des roches qui les constituent, et leur effondrement périodique est un élément essentiel de leur façonnement. Cependant, au lieu de se faire bloc par bloc, ou par un écaillage de faible épaisseur, il arrive qu’un éboulement ou un glissement affecte la falaise sur une certaine profondeur, détruisant les constructions ou les aménagements établis à son sommet. Mais de tels glissements de falaise ne dépassent pas, en général, l’estran, c’est-à-dire la plate-forme en partie submergée qui s’étend au pied de la falaise.

Le relief sous-marin comporte, en fait, des escarpements souvent beaucoup plus importants qu’à terre. Il suffit d’évoquer le cas des îles volcaniques en mer profonde, si fréquentes dans le Pacifique (où elles peuvent être couronnées par des formations coralliennes), qui peuvent présenter des pentes de 30 à 400 sur des dénivelées de 4 000 à 5 000 mètres. Malgré l’allégement des roches dû au principe d’Archimède, il peut arriver que ces reliefs, constitués par des accumulations progressives de matériaux, ne soient pas stables à l’égard de glissements en masse. Ceux-ci peuvent affecter le manteau de matériaux meubles accumulés sur la pente, ou le matériel rocheux lui-même. Lorsqu’on observe une île correspondant à la moitié d’un volcan, ou à une portion encore moindre, il ne faut pas se hâter de conclure que la partie manquante a été enlevée par l’érosion des vagues et le recul des falaises (d’ailleurs totalement stoppé à partir du moment où se sont établis les récifs coralliens). Il est possible que se soient produits des éboulements en grande masse, qui ont pu déverser le matériel éboulé sur des fonds de 4 000 à 5 000 mètres, sur des distances de plusieurs dizaines de kilomètres. La question se pose, par exemple, pour l’île de Moorea, en face de Papeete, qui paraît correspondre à un demi-volcan, avec un piton au centre du cratère, dont toute la moitié nord manquerait, ou pour l’île Saint-Paul dans l’océan Indien, que Charles Vélain avait déjà décrite, il y a plus d’un siècle, comme la partie sud-ouest, seule conservée, d’un volcan; il imaginait qu’une explosion volcanique pouvait avoir fait disparaître la partie manquante, mais un éboulement sous-marin est plus vraisemblable.

À une échelle moindre, l’effondrement en masse du talus externe d’un delta sous-marin, constitué par l’accumulation progressive des matériaux apportés par un fleuve, est peut-être une étape normale de son évolution, mais celle-ci ne se répète qu’à une cadence pluriséculaire, alors que l’apport se fait au rythme des crues annuelles. S’agissant de matériaux fins, non consolidés, la masse éboulée peut se délayer dans l’eau, et former un courant de turbidité , qui peut aller très loin, en s’écoulant sur des pentes même faibles, la turbulence due à l’écoulement suffisant à maintenir en suspension la charge solide, qui rend la densité globale supérieure à celle de l’eau de mer. L’écoulement des courants de turbidité peut contribuer au façonnement des fonds sous-marins, creusant des vallées – ou canyons – à fond plat, et formant à leur débouché des cônes très surbaissés.

Le rôle, peut-être considérable, que jouent de très grands glissements, n’affectant qu’exceptionnellement le littoral, dans le façonnement des fonds sous-marins, commence seulement à être soupçonné. Les raz de marée, ou tsunamis, qu’ils provoquent, sont un indice de leur fréquence. Mais leur rôle exact ne pourra être défini que par l’exécution de cartes morphologiques sous-marines très précises, dont l’élaboration est aujourd’hui possible grâce à la technique du sondage sonore par faisceaux obliques étroits, tel que le sea beam .

Les glissements de terrain dans l’histoire géologique

Bien que les glissements de terrain soient actuellement très fréquents en montagne, leurs traces dans les sédiments anciens sont relativement rares, ce que l’on peut expliquer en remarquant que les zones de relief où nous les observons actuellement sont destinées à être, en fin de compte, totalement érodées.

Les traces de glissements fossiles s’observent surtout là où ils ont pu être enfouis rapidement dans les sédiments; les glissements affectant les bordures de bassins sédimentaires se sont produits surtout au voisinage de reliefs naissants ou à partir de chevauchements. Au Maroc, les nappes du Rif ont progressé par écoulement sur le fond de la mer miocène, et, à leur front, on retrouve les masses glissées, intercalées au milieu des sédiments miocènes.

Dans ce que l’on avait pris autrefois pour des lambeaux de charriage, entraînés mécaniquement dans un chevauchement, on reconnaît de plus en plus des «olistolithes», c’est-à-dire des masses glissées, de dimensions parfois énormes (jusqu’à 1 km et plus), parvenues jusque dans un bassin où la sédimentation se poursuivait. Ces olistolithes peuvent appartenir à n’importe quel terrain antérieur, d’où, en apparence, les inversions les plus capricieuses dans l’ordre de succession des terrains. On les observe d’ailleurs souvent au voisinage de chevauchements authentiques, et il faut admettre que les glissements ont pu se produire à partir des masses en cours de chevauchement.

Les glissements liés au relief actuel, mais antérieurs à la dernière glaciation (Würm), sont difficiles à déceler, parce que leur expression morphologique, si caractéristique pour les glissements récents, a disparu, remodelée par le glacier. Souvent, ils ne se traduisent plus guère que par la présence d’affleurements de certaines roches en position tout à fait anormale, parfois interprétée à tort comme indiquant des failles ou d’autres accidents tectoniques. Il est arrivé, sur la Vltava (République tchèque), qu’un tel glissement ancien soit découvert lors des reconnaissances des fondations d’un barrage. En forant un puits, on a retrouvé les alluvions anciennes, sous la masse rocheuse, et le site a naturellement dû être abandonné.

Les glissements postérieurs à la dernière glaciation sont au contraire assez faciles à reconnaître. Il y a des raisons de penser qu’ils ont dû être particulièrement fréquents aussitôt après le retrait du glacier, déjà pour la simple raison que la poussée de celui-ci venait à manquer pour maintenir en place les flancs de la vallée qu’il avait contribué à excaver. En Europe centrale, le climat était assez froid pour entraîner la congélation du sol sur plusieurs dizaines de mètres de profondeur, et, au dégel, cette tranche de sol s’est trouvée profondément désorganisée, et donc très susceptible de glisser.

Par la suite, et en particulier à l’époque actuelle, les conditions sont devenues un peu moins sévères, un tapis végétal continu s’étant établi et les zones les plus instables ayant déjà glissé. Très souvent, lorsqu’un glissement nouveau se déclenche, on constate qu’il affecte le matériel d’un glissement ancien.

Les risques et la prévention des glissements de terrain

Les éboulements, soudains et rapides, et les chutes de blocs, entraînent un risque évident, à caractère aléatoire. Les glissements lents peuvent produire des destructions, qu’il est en général possible de prévoir à court terme, ce qui permet (sauf surprise nocturne) l’évacuation des personnes. En revanche, les très grands glissements peuvent atteindre une vitesse considérable et devenir extrêmement meurtriers. On peut citer l’éboulement du Granier, près de Chambéry, en novembre 1248, qui a fait des milliers de morts. Plus récemment, le 31 mai 1970, un séisme dans l’océan Pacifique a déclenché, à 130 kilomètres de là, un éboulement de glace et de rocher, près du sommet du Nevado Huascarán (Pérou), qui culmine à 6 768 mètres. L’éboulement de 50 à 100 millions de mètres cubes, descendant jusqu’à 2 400 mètres d’altitude, a franchi 16 kilomètres, à une vitesse atteignant 280 km/h, pour finalement ensevelir sous quelques mètres de boue et de débris la ville de Yungay, y faisant 18 000 morts.

Le 25 avril 1974, toujours au Pérou, le glissement d’une masse de roche d’un milliard de mètres cubes, sur une dénivelée de 1 870 mètres, a parcouru 8 kilomètres en 3 minutes, détruisant le village de Mayunmarca (451 morts) et barrant le río Mantaro sur 150 mètres de hauteur, d’où une crue catastrophique 43 jours plus tard, quand les eaux accumulées ont surmonté, puis raviné, le barrage.

Il n’est évidemment pas question de s’opposer à de tels mouvements. La seule défense possible est la prévision des zones où ils sont susceptibles de se produire, pour éviter de les occuper; il faut évidemment éviter les zones où il s’en est déjà produit. C’est ainsi qu’à Yungay, un glissement analogue s’était déjà produit en 1962, faisant 4 000 morts au village de Ranrahirca; des études postérieures ont montré qu’un glissement préhistorique avait dépassé l’étendue affectée par celui de 1970.

Lorsqu’un risque d’éboulement a été identifié, on peut tenter une prévision dans le temps, en cherchant à déceler les petits mouvements précurseurs, susceptibles d’annoncer le déclenchement imminent de la catastrophe, d’une manière suffisamment nette pour permettre l’évacuation des populations menacées. Il existe, pour cela, des appareils très sensibles; mais le problème psychologique se pose de maintenir la surveillance pendant une très longue durée.

En montagne, la localisation de l’habitat traditionnel intègre des siècles d’expérience, mais, pour les équipements nouveaux, les risques éventuels doivent être mis en évidence. Cela concerne non seulement les glissements actifs, même lents, mais également les zones où l’on peut craindre l’apparition de glissements nouveaux, ou qui pourraient être atteintes par les coulées boueuses issues de glissements situés plus en amont.

Il faut, pour révéler de tels risques, faire l’inventaire de tous les glissements anciens, même parfaitement stabilisés en apparence, en s’aidant essentiellement de la morphologie. L’âge des plus anciens d’entre eux se reconnaîtra facilement à ce que l’érosion torrentielle les a entamés, mettant en évidence le matériel qui les constitue. Pour les plus jeunes, l’état de reconstitution du tapis végétal (y compris les lichens sur rocher) ou les destructions qu’il a subies peuvent fournir une indication, ainsi que l’analyse des déformations subies par les œuvres de l’homme (profil d’un chemin, alignement de poteaux). C’est ainsi que l’on détectera, parmi les glissements, ceux qui ont joué récemment et sont de nature à se remettre en mouvement. D’autre part, la fréquence des glissements anciens, pour un type de terrain déterminé, est une mesure du risque de glissements nouveaux. Enfin, les terrains glissés, même stabilisés, constituent des fondations qui ne peuvent être envisagées qu’avec la plus grande circonspection.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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